Où sont passés les camarades, demandent avec inquiétude les Tagada Jones – cette resucée rougeâtre de Bérurier Noir – aux militants, partisans et sympathisants qui se rendent à la Fête de l’Huma en cette mi-septembre 2017. Nous allons tenter de répondre à cette question légitime.
Les effectifs du Parti communiste français ont fondu en 40 ans, la bascule ayant lieu en Mai 68. Avant, c’était un grand parti d’opposition populaire, et le PS, qui s’appelait la SFIO, ne pesait rien, ou presque. Sous l’influence de Mitterrand, les courbes se sont croisées dans années 70 et le PS a asséché lentement mais sûrement le marigot communiste.
Parallèlement, les ouvriers français sont remplacés par des immigrés, qu’on voit en majorité dans les grandes grèves de l’automobile (usines Talbot à Poissy au début des années 80, où près de 75 % des ouvriers sont originaires d’Afrique), mais globalement, ces nouveaux Français sont moins politisés que les anciens. La désindustrialisation aidant, la base de l’électorat communiste fond comme neige au soleil.
Dans la société civile, d’autres formes de contestation concurrencent l’appareil communiste, pourtant bien rôdé avec son ancrage national. C’est l’époque de l’essor de la contestation écologiste, qui sort de la marginalité et qui s’organise politiquement. De tous côtés, le PC se fait piquer des voix. Son fonctionnement hiérarchique pyramidal l’empêche de muter rapidement.
Ça, c’est l’analyse politico-sociologique classique, que les livres d’histoire servent aux lycéens et aux étudiants. Plus pointue est celle des politologues.
Nous sommes en 1994, une date charnière. Les élections présidentielles se profilent, Mitterrand est en bout de course, le PS a siphonné le PC, Georges Marchais a cédé sa place à Robert Hue, la tentation est grande de faire évoluer le PC à l’italienne. Mais la vieille garde résiste, deux clans s’affrontent, les anciens et les modernes. Cependant, les modernes ne sont pas plus imaginatifs que les anciens, puisqu’ils préconisent un rapprochement avec le PS (qui signerait la fin absolue du PC), voire avec la LCR ou la nébuleuse trotskyste ! Un renoncement historique. Marchais résiste, mais il est affaibli par la maladie, et Hue n’a pas toute latitude pour changer le parti. Il hésite, et prend conseil.
Et vous savez auprès de qui ?
L’éditorialiste Alain Duhamel, inamovible sur le service public, l’homme qui résume la propagande à lui tout seul, Jean-Marie Colombani, fraîchement nommé directeur du Monde pour en faire un brûlot libéral-trotskyste avec Plenel, le publicitaire d’Euro RSCG Jacques Séguéla, proche de Mitterrand, le journaliste correspondant de Radio France à Jérusalem (de 1990 à 2002) Pierre Weill, et enfin, le politologue Stéphane Rozès, qui a l’oreille de Hue.
Rozès a commencé à la LCR dans les années 70-80, nous dit Wikipédia. Depuis, il s’est recentré (en apparence) : il est à l’origine de la fondation Marc-Bloch, un think tank républicain (qui a changé de nom) présidé aujourd’hui par Élisabeth Lévy.
L’ensemble de ces conseillers montre exactement à quelle sauce le PC sera mangé : une sauce moderniste, progressiste, d’où toute menace sérieuse pour l’oligarchie sera extirpée. Nous sommes dans l’oligarchie socialo-sioniste, disons-le. Pas que ce soit notre obsessif dada, mais en allant au fond des choses, on finit souvent par tomber sur le même os. Et l’os, c’est l’invariant, ce qui ne bouge pas, et détermine tout le reste, la chair et la peau. La peau du PC va donc changer, le PC va muer. Il prendra un aspect jeuniste, féministe, minoritiste, essayant de capter ces nouvelles clientèles électorales tout droit issues de Mai 68. Le social comme objectif vole en éclats. On ne parle plus de dominés, d’exploités, sans considérations de sexe, d’âge ou de couleur, mais d’hommes et de femmes (Marie-George Buffet se fera le grand défenseur de la parité), de pauvres immigrés victimes de racisme, etc.
En face, le FN se frotte les mains : les derniers ouvriers, qui ne se sentent plus représentés ou défendus dans ce parti des minorités, passent dans la maison nationale. Les courbes PC-FN se croisent, le premier nourrissant le second. Le PC, en 1994, a loupé le virage national. Le seul qu’il fallait prendre. Rien d’étonnant à ce qu’en 2017, il se retrouve avec ce conglomérat de micro-luttes qui n’intéressent pas le Français moyen.
Voici une revue de tweets qui illustrent cette tendance assez fatale : Assa Traoré, la sœur du délinquant prétendument assassiné par les gendarmes, Audrey Pulvar, à qui l’extrême droite faisait monter les larmes aux yeux chez Ruquier, Christiane Taubira, qui a ouvert les prisons sur ordre de l’oligarchie, Benoît Hamon, qui compte sur les voix des jeunes qui n’aiment pas le boulot, l’agent anti-FN Mathieu Madénian qui confond humour et insulte, sans oublier la projection du très communautaire 120 Battements par minute (l’histoire indispensable des survivants d’Act-Up), et l’idole des migrants, le Juste protégé par la LICRA, le grand, l’immense Cédric Herrou.
Pourquoi je viens à la @FetedelHumanite par Assa Traoré, sœur d’#AdamaTraore : « Porter le combat pour Adama » https://t.co/lbQ0dUlUOW pic.twitter.com/jy0sl4TMuR
— l'Humanité.fr (@humanite_fr) 15 septembre 2017
Audrey Pulvar à L'agora de l'Humanité pic.twitter.com/lwxl7D9K1l
— Fête de l'Humanité (@FetedelHumanite) 17 septembre 2017
Ce week-end, rejoignez-nous à la @FetedelHumanite #M1717 pic.twitter.com/L8MTZt4H0u
— Mouvement1717 (@Mvt1717) 13 septembre 2017
Message pour motiver la jeunesse à aller à la fête de l’Humanité ce week-end ! #MMVDB pic.twitter.com/PJS9uFrYxc
— W9 (@W9) 15 septembre 2017
Cedric Herrou, poursuivi pour #délitdesolidarité à la @FetedelHumanite pr dénoncer la politique inhumaine de la France à l'égard des exilés pic.twitter.com/H1hWf0nKFZ
— l'Humanité.fr (@humanite_fr) 16 septembre 2017
L’exact tableau de ce que prophétisaient ou désiraient les « rénovateurs ». Heureusement que Georges Marchais n’a pas vu ça ! Le délabrement de la maison PCF, démontée comme un vulgaire Macdo ! Même les anticommunistes admettront que l’évolution est dure, et ressemble à une punition du Système. C’est bien le Système qui pratiquera une purge et dans l’appareil, sous la pression socialo-sioniste, et dans les médias, où les communistes se compteront sur les doigts de la main. Ceux qui critiquaient la normalisation soviétique en auront un magnifique exemple dans la télé française, avec les journalistes estampillés PC qui ne pourront plus travailler, tout en étant payés quand même, la méthode TF1. Une fois ces emmerdeurs mis sur la touche ou à la retraite, la nouvelle garde des écoles de journalisme, qui forment partout sauf sur le tas, pourront saturer les chaînes et les stations avec leurs employés malléables et idéologiquement rassurants. Eux ne risquaient pas de prendre parti dans les luttes sociales du mauvais côté !
La politique d’ouverture de Robert Hue aura raison du cœur idéologique du PC, tourné vers le social et le national. Le néo-PC deviendra sociétal et antinational, une double trahison qui explique sa misère actuelle. En 1995, le mouvement social anti-Juppé (qui avait tenté le coup 20 ans avant la paire Macron-Philippe, mais Philippe est un juppétiste de première bourre, comme quoi l’oligarchie nous repasse le plat tant qu’on ne le bouffe pas !) fait entrer le PC dans la gauche dite « plurielle », où il côtoie tous ceux qui voulaient sa peau : socialistes, radicaux de gauche, Verts et trotskystes ! Dans la gueule du loup, l’ogre soviétique français !
Un an plus tard, en 1996, les rénovateurs proposent de dégager toute référence au communisme et de créer des « pôles de radicalité ». Concrètement, ceux qu’on voit à la Fête de l’Huma 2017... On doit à Stéphane Rozès la floraison de l’adjectif « citoyen » à toutes les sauces, le citoyen moyennement révolté remplaçant le militant dévoué, qu’on ne pouvait pas manipuler comme ça, et qui avait une bonne base idéologique. Une structure mentale de résistance en milieu libéral hostile. Les concepts d’« intervention citoyenne » et d’« espaces citoyens » n’offriront plus aucune résistance à l’offensive de l’idéologie libérale. L’alternative progressiste fera du néo-PC le petit réservoir de voix du PS, au même titre que les Verts, et parfois dépassé par lui. C’est l’agent anticommuniste et antifrançais Cohn-Bendit qui sera aux manettes de l’opération très américanophile « Verts contre PC ». Mai 68 est passé par là, et pas par hasard...
- La cassure de 1968-1970 correspond à l’essor de l’individualisme américanophile contre le collectivisme à la soviétique
Le grand patronat a réussi son coup : le chômage est devenu un outil de contrôle social par la peur, le taux de syndicalisation baisse dans les entreprises, la formation politique s’en ressent, les partis perdent de leur influence, puis leurs troupes, les masses électorales s’inversent.
- Les scores du PC au 1er tour des législatives sur un siècle
Le FN, arc-bouté sur la souveraineté nationale, récupère les voix des déçus du PC dans la deuxième moitié des années 80, puis des déçus du socialisme, qui aura choisi le libéralisme économique, synonyme de détricotage des avantages acquis.
Pour ceux qui ont connu la Fête de l’Huma d’avant le passage du communisme au socialisme (mais tendance sociétale), le changement est brutal.
Le rock a-t-il battu l’idéologie ?
Les prolos anglais The Who en 1972 sur la grande scène de la Fête de l’Huma :
Dimanche 17 septembre 2017 au soir, sur la grande scène, c’est le chanteur Renaud, fraîchement converti au judaïsme, qui va clore la Fête de l’Huma. On ne peut mieux dire.
Nous pouvons dès lors répondre à la question des Tagada machin, où sont passés les camarades ? : les camarades, ils sont chez nous, chez E&R !
Pour mesurer le chemin parcouru par le PC dans les années 2000, sachez qu’en 2002, Alain Soral était encore invité à la Fête de l’Huma pour signer son livre Jusqu’où va-t-on descendre... Aujourd’hui, il ferait, pour la hiérarchie « communiste », figure d’épouvantail antisociétal.
La morale de cette histoire c’est que le virus trotskyste, préparé dans les laboratoires secrets de l’oligarchie, s’est attaqué aux piliers du grand appareil communiste et les a littéralement vermoulus. Les mites ont eu raison de la maison mère du bouclier social français. Que la leçon soit retenue.